Quarante ans plus tôt. Dans cette douce
nuit d’encre, au cœur d’un village, le petit KOTOCHON révise ses leçons à la lumière chancelante
d’une lampe-tempête. Comme pour l’encourager, les grillons intensifient leur
cri-cri. La nuit est douce et le village s’endort paisiblement. Demain il devra
se lever à l’aurore, aider sa mère à puiser l’eau du puits et parcourir 12 km à
pied pour rejoindre l’école qui accueille tous les enfants du bourg. Parmi eux
son condisciple, BINICHON, qui
partage le même quotidien, les mêmes rêves, les mêmes ambitions.
Quelques
années plus tard, lorsqu’il fallu partir de la région pour intégrer le collège
puis l’université, le village n’avait toujours ni électricité ni eau potable.
Par
leur abnégation au travail, KOTOCHON
et BINICHON parvinrent
à intégrer les meilleures écoles du pays. Grâce à leur travail et à l’aide de
leur pays, ils bénéficièrent d’une bourse pour une formation à l’étranger. Oui,
d’un village perdu dans le fin fond du pays, de jeunes pouces pleines de
promesses ont eu la possibilité d’aller plus loin pour réaliser leur rêve et mettre
leurs compétences au service de leur pays.
De nos jours. Le temps a passé. KOTOCHON et BINICHON occupent de hautes fonctions dans
le pays. Ils sont aisés, ils sont connus. Ils ont de nouvelles ambitions, car
au-delà de leur réussite apparente, ils aspirent à mieux : le besoin de
« reconnaissance et de pouvoir»….malheureusement pour eux-mêmes !
Vint alors les ambitions politiques et
les premières contradictions. Le nombrilisme et l’égoïsme qui chassent les
premières valeurs. Les premiers questionnements aux antipodes des vraies
questions de développement avec pour corollaire, l’apparition et l’installation
d’un profond schisme. Voici venir les jours où l’antagonisme, la jalousie et une
compétition destructive se font jour. Aussi, KOTOCHON et BINICHON, ces enfants issus d’un village
défavorisé se lancent-ils dans une course de « démonstration massive de
biens et de pouvoir» : qui aura la voiture la plus chère ? Qui
aura la plus grande et la plus belle maison au village ? Qui est le plus à
même d’occuper une fonction politique dans la région? Qui enfin attirera à
lui, lorsqu’il se déplacera le week end au village, le plus grand nombre de
villageois nécessiteux qui attendront dans la cour avec leurs problèmes et
leurs chapelets de doléances. Oui le village n’a toujours ni eau potable ni
électricité. N’aurait-il pas fallu, que deux fils d’un même village
réfléchissent et travaillent de concert pour leur village, leur région, leur
pays en utilisant au mieux leur richesse ? Quel est en effet le coût
d’une pompe villageoise, d’un dispensaire, d’une petite école, de petites
bourses scolaires… ? Bref, pour le moment, KOTOCHON et BINICHON dorment paisiblement dans leur « château »
qui dispose chacun d’électricité, grâce à un groupe électrogène.
Dans cette autre douce nuit d’encre, semblable
à celle d’il ya quarante ans, les deux villas brillent comme les yeux d’un
hibou dans un paysage désuet. Dans le ronronnement de la climatisation, KOTOCHON
et BINICHON n’entendent
plus le cri-cri des grillons qui, cette fois-ci, hurlent la misère de tout un
village.
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