mercredi 22 mai 2013

Qui a piqué mon fromage

J’aime bien ce bouquin de Spencer Johnson « Qui a piqué mon fromage ? », sur lequel je suis tombé un jour en cherchant un nouveau livre à explorer. Il se lit et se relit, entrecoupé de sourires. Il parle en effet, de chacun de nous et nous pouvons nous y retrouver aisément. Ce livre raconte l’histoire de quatre personnages : deux petits hommes et deux souris qui se repaissent de fromage tous les matins jusqu'au jour où leur gruyère vient à disparaître. Face au bouleversement de leur quotidien, il devint urgent pour chacun d’eux de prendre une décision.
Je ne peux m’empêcher de penser à Kodak, à Texas Instrument et à bien d’autres marques. Elles ont à un moment donné de leur histoire, marqué le marché avant de connaître d’énormes difficultés qui ont remis en question leur existence. Pendant l’époque glorieuse, elles plastronnaient à tout rompre, elles semblaient insubmersibles telles le fier « Titanic » qui, sans le savoir, courait à sa perte. Oui il a suffi, d’une innovation, d’une nouvelle idée, d’un changement de paradigme et tout s’effondra. 
Pour Kodak, les années 80 semblaient courir comme l’insubmersible Titanic sur un océan maitrisé. L’argentique apparaissait comme La technologie ; immuable, pérenne….qu’est-ce qui pouvait changer la donne ? TOUT ! Oui tout, car aucune position préférentielle ne doit être considérée comme acquise. Kodak en fit les frais avec le « tournant du numérique » qui bouleversa les habitudes et façonna un nouvel ordre dans lequel cette marque perdit pied. L’iceberg se présenta d’une façon brutale, dans un épais brouillard où les sentinelles se reposaient langoureusement sur leurs lauriers. Hélas, lorsqu’advient le changement, la chute s’imposa plus brutalement et plus rapidement que la construction. Des questionnements émergèrent alors des flots, dans un fracas destructeur. Ils se sont faits l’écho du chant hypnotique du cygne, avec le même refrain, qui permet de toucher les vestiges d’une réalité cent fois éprouvée : Comment se renouveler chaque jour ? Comment casser la boucle de la routine des certitudes ? Comment ne pas être ivre de son succès ? Comment malgré une position confortable se remettre constamment en cause ? 
Ce qui s’applique aux marques, s’applique également dans notre existence paisible ou agitée. Nous avons chacun notre fromage. Chaque jour, nous en prenons un morceau, nous le dégustons ; puis le lendemain nous recommençons. Ce fromage est délicieux à souhait. Cependant, il nous faut garder à l’esprit que malgré la texture exceptionnelle de sa pâte et de sa croûte, la dégustation peut s’arrêter un jour. Notre fromage peut disparaitre.  
Comme le souligne Spencer Johnson, notre bonheur est dans notre fromage.  Il en existe heureusement de plusieurs sortes et de plusieurs natures. Lorsque viendra le moment de décider, il nous restera deux options : s’agripper désespérément aux miettes de notre délicieux fromage ou être déjà en mouvement.  
Recherchons constamment notre fromage, chacun selon ses goûts, sans oublier à la première bouchée qu’il disparait déjà.
 
 

vendredi 3 mai 2013

Les aventures de Kotochon et Binichon

Quarante ans plus tôt. Dans cette douce nuit d’encre, au cœur d’un village, le petit KOTOCHON révise ses leçons à la lumière chancelante d’une lampe-tempête. Comme pour l’encourager, les grillons intensifient leur cri-cri. La nuit est douce et le village s’endort paisiblement. Demain il devra se lever à l’aurore, aider sa mère à puiser l’eau du puits et parcourir 12 km à pied pour rejoindre l’école qui accueille tous les enfants du bourg. Parmi eux son condisciple, BINICHON, qui partage le même quotidien, les mêmes rêves, les mêmes ambitions.  
Quelques années plus tard, lorsqu’il fallu partir de la région pour intégrer le collège puis l’université, le village n’avait toujours ni électricité ni eau potable. 
Par leur abnégation au travail, KOTOCHON et BINICHON parvinrent à intégrer les meilleures écoles du pays. Grâce à leur travail et à l’aide de leur pays, ils bénéficièrent d’une bourse pour une formation à l’étranger. Oui, d’un village perdu dans le fin fond du pays, de jeunes pouces pleines de promesses ont eu la possibilité d’aller plus loin pour réaliser leur rêve et mettre leurs compétences au service de leur pays. 
De nos jours. Le temps a passé. KOTOCHON et BINICHON occupent de hautes fonctions dans le pays. Ils sont aisés, ils sont connus. Ils ont de nouvelles ambitions, car au-delà de leur réussite apparente, ils aspirent à mieux : le besoin de « reconnaissance et de pouvoir»….malheureusement pour eux-mêmes !  
Vint alors les ambitions politiques et les premières contradictions. Le nombrilisme et l’égoïsme qui chassent les premières valeurs. Les premiers questionnements aux antipodes des vraies questions de développement avec pour corollaire, l’apparition et l’installation d’un profond schisme. Voici venir les jours où l’antagonisme, la jalousie et une compétition destructive se font jour. Aussi, KOTOCHON et BINICHON, ces enfants issus d’un village défavorisé se lancent-ils dans une course de « démonstration massive de biens et de pouvoir» : qui aura la voiture la plus chère ? Qui aura la plus grande et la plus belle maison au village ? Qui est le plus à même d’occuper une fonction politique dans la région? Qui enfin attirera à lui, lorsqu’il se déplacera le week end au village, le plus grand nombre de villageois nécessiteux qui attendront dans la cour avec leurs problèmes et leurs chapelets de doléances. Oui le village n’a toujours ni eau potable ni électricité. N’aurait-il pas fallu, que deux fils d’un même village réfléchissent et travaillent de concert pour leur village, leur région, leur pays en utilisant au mieux leur richesse ? Quel est en effet le coût d’une pompe villageoise, d’un dispensaire, d’une petite école, de petites bourses scolaires… ? Bref, pour le moment, KOTOCHON et BINICHON dorment paisiblement dans leur « château » qui dispose chacun d’électricité, grâce à un groupe électrogène.  
Dans cette autre douce nuit d’encre, semblable à celle d’il ya quarante ans, les deux villas brillent comme les yeux d’un hibou dans un paysage désuet. Dans le ronronnement de la climatisation, KOTOCHON et BINICHON n’entendent plus le cri-cri des grillons qui, cette fois-ci, hurlent la misère de tout un village.