lundi 1 mars 2010

De Samouraï à Kamikaze


Au cours des années 80 un vent d’innovation managériale, qui soufflait du pays du soleil levant, a touché toute la planète entreprise. C’était l’époque glorieuse pendant laquelle les dogmes nippons se vendaient si bien : conférences, experts en tout genre, team building pour les employés, reformatage psychologique des cadres (futurs Samouraïs à la sauce occidentale). Ce modèle se consolidait autour d’un consensus scientifique, montrant la supériorité du modèle japonais sur le modèle occidental. Il s’appuyait sur un dogme: la stabilité du pacte social et des relations salariales. Il a ainsi inondé le monde occidental à tel enseigne que les décideurs économiques effectuaient régulièrement des « pèlerinages » dans les entreprises nipponnes afin de s’inspirer de leur best practices. L’employé resté sur son site de production de Noisy-le-Sec* était également de la fête.

Les fruits de ce modèle étaient savoureux. Il se déclinait à volonté. Ses références ne manquaient pas : fort sentiment d’attachement des employés à l’entreprise - échec de l’entreprise vécu comme un « drame familial » - sacrifices largement acceptés et valorisés…Vive les Samouraïs !

La planète entreprise n’était-elle pas en train de promouvoir une osmose illusoire, un pacte de stabilité de dupe ?

Toujours est-il que de Harvard à HEC en passant par Oxford, l’ensemble des théories et leurs évolutions, tel un virus informatique, s’est propagé sur la toile cérébrale des managers et futurs managers.

Puis vint l’ère de la financiarisation croissante de l’économie mondiale. Vous avez dit « fonds spéculatifs ? », « rentabilité financière à court terme ?», « bonus trader et bonus dirigeants ?», « délocalisation ? » ; et l’ouvrier Dupond de se plaindre « nous avons contribué à réaliser un bénéfice important l’année dernière et le carnet des commandes est plein…nous ne comprenons pas les suppressions d’emplois et la probable délocalisation de notre usine sur un autre continent ». Le pacte social a volé en éclat et la rentabilité économique n’est malheureusement pas synonyme de rentabilité financière.

Le prisme utilisé par les différentes parties ne renvoie évidemment plus la même réalité. Oublié que dans le domaine économique et financier la stabilité est bien relative. Oublié également que ramener uniquement les fruits du potager nippon ne signifie pas que l’on connaisse véritablement comment ce potager est cultivé.

Alors, l’heure est à la séquestration des patrons par les ouvriers, aux menaces des employés de se faire sauter avec leur usine à l’aide de bombonnes de gaz. Il y a effectivement de l’eau dans le gaz ! Et le drame se vit quotidiennement bien loin de Wall Street et des impératifs du Dow Jones ou du CAC 40.

Le Samouraï désabusé s’est-il transformé inexorablement en Kamikaze ?

Banzai* !

*Noisy-le-Sec est une ville française située dans le département de la Seine-Saint-Denis, région Île-de-France.
*Banzai servit de cri de combat aux soldats japonais et en particulier aux kamikazes qui le criaient avant de s'écraser sur les bateaux ennemis